vendredi 24 avril 2015

"Sobibor" - Jean Molla



Vers quelques pistes pédagogiques

Après la lecture de "Sobibor", deux pistes pédagogiques particulièrement pertinentes et en adéquation avec le livre me sont venues à l'esprit.

Premièrement, nous pourrions aborder, à travers ce que vit Emma, le schéma narratif.
J'ai également envie de travailler sur le journal que notre héroïne découvre: l'intégrer dans une séquence sur les récits de vie me parait alors judicieux.

Zoom sur le schéma narratif

Commençons par une mise en contexte de la leçon.

Contexte et caractéristiques du public
Nous pourrions aborder cette leçon avec des publics assez variés:
  • Première et deuxième années différenciées (avec des classes ayant tout de même un assez bon niveau)
  • Première année générale
  • Deuxième année générale
Compétences tirées du programme
Au terme de la leçon, l'élève sera capable de:
  • Repérer les différents personnages d'un récit.
  • Repérer leurs actions et les relations qu'ils entretiennent entre eux.
  • Établir les relations qu'ils entretiennent avec le héros.
  • Expliquer à quoi sert le schéma narratif pour la compréhension et la rédaction d'un récit.
Objectif opérationnel
Au terme de la leçon, l'élève sera capable de dresser le schéma narratif d'un récit.

Le schéma narratif dans "Sobibor

La situation de départ
Emma est une jeune fille ordinaire, elle va à l'école, a des amis et même un petit copain. Elle est très proche de ses grands-parents, surtout de sa grand-mère à qui elle voue beaucoup d'admiration.

L'élément perturbateur
La grand-mère d'Emma décède. Emma commence à sentir mal: elle perd du poids, commence à se faire vomir, quitte son petit ami et vole dans un magasin. Dans un même temps, elle découvre également un journal.

Les péripéties
À travers la lecture du journal, le lecteur assiste aux prises de conscience d'Emma et à ses bouleversements, suite aux épreuves vécues par ses grands-parents et décrites dans le journal.

Le dénouement
Emma finit par se rendre compte que son grand-père est en réalité l'un des chefs nazis du camp de Sobibor. Elle décide alors de prendre son grand-père de front pour se délivrer du mal qui la détruisait peu à peu.

La situation finale
Les sombres secrets de famille ont finalement été découverts et Emma peut enfin tenter d'évoluer et de revivre normalement.

Zoom sur les récits de vie

Encore une fois, nous commencerons par une mise en contexte de la leçon

Contexte et caractéristiques du public
  • Deuxième année générale
  • Troisième année générale
Compétences tirées du programme
Au terme de la leçon, l'élève sera capable de:
  • Identifier l'intention de l'auteur et la structure du texte.
  • Orienter son écrit en fonction de la situation de communication: le projet du scripteur.
  • Rédiger des textes à structure narrative.
Objectif opérationnel
Au terme de la leçon, l'élève sera capable de rédiger une partie de son journal intime.

On pourrait, par exemple, utiliser un extrait du chapitre 10: la note du 21 février 2015.
Les élèves devraient identifier le narrateur, l'auteur et le protagoniste du journal afin de mettre en évidence qu'il s'agit d'une seule et même personne.
Ils seraient également invités à trouver l'intention dominante du texte et de justifier leur réponse.
Au niveau plus transversal, il serait intéressant de mener, en parallèle, des recherches avec les élèves sur le pourquoi du journal intime d'un officier dans un camp de concentration et sur Sobibor en lui-même: est-ce un lieu réel? où est-il situé? Les personnages de l'histoire ont-ils existé?


Réflexions psychanalytiques


« Sobibor » évoque deux thèmes poignants et déchirants : d’une part l’horreur des camps de concentration et d’autre part, l’anorexie. Lier ainsi ces deux thématiques n’était pas gagné dès le départ et j’avoue avoir été, au début, quelque peu septique. Cependant quand on prend le parti de réfléchir en amont et que l’on se tourne vers quelques théories psychanalytiques, cela se tient.
En effet, Emma devient anorexique car au fond d’elle-même, elle sait qu’un profond secret de famille se cache et la détruit à petit feu. Une lutte d’Emma contre elle-même en somme.
Retrouver un  corps de petite fille, refuser de grandir… lui permet de ne pas voir la réalité en face et de continuer à vivre dans un déni pour le moins destructeur.

Françoise Dolto aurait eu cette phrase que je trouve ici particulièrement appropriée: "L'enfant a toujours l'intuition de son histoire. Si la vérité lui est dite, cette vérité le construit".
Le problème majeur est que les grands-parents d'Emma ne lui en ont jamais soufflé mot. Pourtant d'une manière inconsciente, elle connaissait la terrible vérité. Elle s'afflige donc ses propres souffrances, symptômes d'un lointain refoulement psychique. Elle l'écrit d'ailleurs: "Est-ce qu'on peut savoir ce qu'on ignore? Ca peut sembler idiot d'écrire cela, et pourtant... Je crois que j'ai toujours su ce qui était tu". Cela lié à l'entrée dans l'adolescence, ça ne pouvait que provoquer d'effroyables dégâts.

L'anorexie est aussi une solution au fait de ne vouloir plus rien ressentir. Emma le prouve en écrivant: "Ataraxie, anorexie, oubli. Mon tiercé gagnant". Les trois sont étroitement liés et bien qu'ataraxie signifie absence de troubles, l'anorexie offre à l'adolescente un échappatoire, un vide profond, saisissant, d'elle à elle mais aussi des autres à elle, autres qui ont souvent un regard fuyant et tentent de ne rien voir. Ainsi ses propres parents feront comme si de rien n'était. Plus facile...
Un oubli pour elle mais pas pour son grand-père: "Il n'y a pas de pardon possible pour ce que tu as fait, pas de prescription, pas de compréhension. Pas d'oubli..." Paradoxalement, ce non-oubli-là, elle ne peut le noyer dans sa souffrance et c'est finalement ce qui la sauvera.

Emma est donc anorexique car il y a des événements dans sa vie qu'elle ne peut métaboliser et qu’inconsciemment, elle rejette d'un bloc.
À ce propos, la théorie d'un certain Wilfried Bion, psychanalyste de son état, peut nous être utile.
En effet, dans ses travaux, il évoque la "fonction Alpha". Pour faire simple, cette fonction consiste à métaboliser ses perceptions pour leur donner une forme que l'on peut utiliser.
Ces éléments sont dits "éléments Bêta" et le rôle de la fonction Alpha est de justement les transformer en "éléments Alpha", de les ingérer en quelque sorte. Pour utiliser une simple métaphore, il faut imaginer un passe-tomate: les tomates sont à la base des éléments Bêta que l'on passe dans le passe-tomate, ce qui en ressort constitue les éléments Alpha. Par contre, inévitablement, il reste toujours des pépins dans le passe-tomate et c'est là que ça coince. Ces éléments non-ingérés peuvent créer de graves symptômes d'où l'anorexie d'Emma.

Il aura fallu à Emma, pour exorciser sa souffrance, effectuer un véritable saut dans le passé, une quête de l'origine de son mal-être. Peut-être la fin sonne-t-elle comme un ode à l'espoir. C'est en tout cas, tout ce que nous lui souhaitons.

Source
Manfredini T., Notes de cours de dynamique des groupes, ULG, 2014-2015


mercredi 8 avril 2015

"Junk" - Melvin Burgess


Un avis, mon avis

La drogue fascine tellement de gens, jeunes ou moins jeunes. Pourquoi apparaît-elle comme une solution ou un échappatoire? Et solution à quoi, d'abord?
Vous me direz, c'est pareil avec la cigarette ou l'alcool... Mais de là à s'injecter, dans son propre corps, une substance dont le seul rôle est souvent de détruire...
Pour Nico, cela peut encore se comprendre: un père violent, une mère sombrant peu à peu dans l'alcoolisme. On comprend d'emblée que la vie n'est pas facile tous les jours, pour lui.
Mais Gemma, Gemma... Je l'ai d'abord détestée... Nous verrons bien par la suite.

De prime à bord, je dois avouer que ce livre ne m'enchante pas. C'est d'ailleurs le seul ouvrage de la liste qui me rebute quelque peu. Je me souviens vaguement avoir lu, beaucoup plus jeune, un autre livre écrit par Melvin Burgess. Je me rappelle n'avoir pas franchement aimé le style de l'auteur. Peut-être étais-je trop jeune pour l'apprécier...
Même la thématique ne me ravit pas. En général, les livres ou les films abordant le thème de la drogue tombent toujours dans un côté mélodramatique et assez moralisateur. 

Enfin bref, plongeons au cœur du roman!

D'abord, il faut savoir que chaque chapitre de ce livre est raconté par des personnages différents, ce qui nous fait forcément découvrir les divers points de vues et réflexions associés aux personnages. J'aime beaucoup cette manière de fonctionner, un bon point pour l'auteur donc!
Tout commence avec deux adolescents, Nico et Gemma, qui veulent s'enfuir de chez eux, l'un pour une bonne raison, l'autre par ennui et défi vis-à-vis de ses parents. S'enchaînent alors de multiples aventures et péripéties mélangeant punk, squat, amour...
Evidemment, arrive très vite le moment tant redouté, celui où nos deux protagonistes goûtent à l'héroïne et deviennent de véritables junkies. Nous assistons alors, impuissants, à des sevrages, rechutes, changements de personnalité...

L'histoire tourne principalement autour de Gemma. J'ai eu beaucoup de mal à accrocher avec ce personnage. Selon moi, elle n'a tout simplement aucune raison valable pour faire ce qu'elle fait et sa "fugue" ressemble davantage à un caprice qu'à une réelle nécessité. Elle m'agace, m'insupporte!
Ses amis, en comparaison, sont usés jusqu'à la moelle, l'existence n'ayant pas été tendre envers eux. Mais elle? Aucune excuse! Et non, s'amuser n'en constitue pas une.
Je m'identifie bien plus à Nico.

Le récit prend, ensuite, un autre tournant lorsque Gemma rencontre Lily chez qui Nico et elle vont aller vivre. Les deux filles deviennent vite inséparables. C'est également là que le couple fera connaissance avec l'héroïne. L'auteur ne nous épargne rien: prostitution, overdoses, grossesses précoces...

En définitive. Gemma redevient la fille chérie de ses parents et reprend un semblant de vie tandis que pour Nico, entre sevrages et rechutes, rien n'est moins sûr. 

J'ai, tout compte fait, apprécié ce livre choc. Il est très bien raconté et très réaliste, sans pour autant prendre ce côté moralisateur que je déteste. Toutefois, il ne faut pas se leurrer: dérangeant, il l'est.
Le but de l'auteur est parfaitement atteint et en totale adéquation avec la citation que la quatrième de couverture: "Je pense qu'il est préférable que les jeunes n'entendent pas parler de la drogue pour la première fois le jour où quelqu'un essaiera de leur en vendre".

Analyse de différentes premières de couverture

En faisant quelques recherches sur la première de couverture de "Junk", je me suis aperçue que cette dernière changeait fortement en fonction des différentes maisons d'édition.
J'ai donc décidé d'en sélectionner quatre et de les analyser.

Tout d'abord, la première, présentée par Folio:

Ma première impression est que le violet constitue la couleur dominante. En effet, le nom de l'auteur est inscrit en violet et on retrouve cette couleur dans les cheveux de la jeune fille (supposément Gemma), sur ses lèvres , ses paupières, ainsi qu'en vernis à ongles.
Quelque peu curieuse et ayant tendance à pousser loin la réflexion, j'ai recherché si le violet n'avait pas une signification particulièrement.
Je n'ai malheureusement rien trouvé de signifiant, la signification des couleurs changeant, de plus, d'un site à l'autre. L'élément le plus pertinent que j'ai pu dénicher est celui-ci: le violet serait, en partie, associé des émotions telles la mélancolie ou la solitude. Des sentiments qui traversent véritablement le roman, donc.

Ensuite, nous pouvons observer, sur cette illustration, plusieurs choses: le buste d'une jeune fille qui a manifestement un style "punk". J'interprète ce visage comme étant celui de Gemma lorsqu'elle découvre, lors d'un concert de rock, ce style dans lequel elle se sent si bien, le problème majeur étant qu'elle fera également connaissance avec la drogue, plus précisément la drogue dure.

À propos de drogue, on peut y voir une seringue que le personnage a dans ses mains. Le ton est donné et le lecteur sait, dès lors, de quoi le livre parlera (au cas où il ne l'aura pas déjà compris en lisant le titre).
Des plumes, à droite, sont également accrochées, dirait-on, à la seringue. J'interprète cela comme l'illusion de liberté, de folie ou d'amusement que la drogue peut donner à ses consommateurs, une véritable impression, fausse évidemment, de mettre davantage de brillance à sa vie.
Gemma l'apprendra à ses dépends.

À propos d'illusion de joie intense ou de liberté que la prise de drogue peut engendrer, j'aimerai vous montrer une vidéo illustrant parfaitement ce principe:


Voici la seconde couverture venue tout droit de chez Gallimard Jeunesse:


Décidément, le violet est à l'honneur! Le fond entier de cette première de couverture lui est dédié!
De cette couverture se dégage une impression encore plus glauque que la précédente et l'on se dit directement que l'histoire ne sera pas des plus joyeuses.

Encore une fois, j’interprète la jeune fille de l'illustration comme étant Gemma. J'éprouve, en la regardant, un profond malaise. peut-être est-ce dû à la couleur verdâtre de sa peau. Celle-ci contraste profondément avec le violet du fond.

Un élément primordial est le garrot que la jeune fille a sur le bras, cela nous replonge totalement dans le monde de la drogue et de ses souffrances. À l'inverse de la précédente première de couverture, celle-ci reflète la destruction et les ravages que provoque la drogue.

Enfin, "Junk" est indiqué au milieu de la couverture en grandes lettres blanches. Celles-ci ne font que renforcer, à mon sens, l'impression générale.

Passons à la troisième première de couverture, tirée de Scripto (toujours chez Gallimard Jeunesse):


Cette première de couverture se révèle  extrêmement parlante et il n'y a pas grand chose à en dire.
Le fond est entièrement noir. "Junk" est inscrit, sur la gauche, en énormes lettres vertes.
On peut également y voir une seringue géante.
Parlant, clair, explicite.

Je trouve néanmoins que cette première de couverture se distingue des deux autres de par sa sobriété. Elle me donne bien plus envie de lire le roman que les deux précédentes.

Une dernière pour la route:


Celle-ci est tirée d'une édition anglaise.
Je dois bien l'avouer, elle est ma préférée parmi les quatre.
Elle représente un pissenlit qui doucement s'envole, tout cela sur le fond vert de l'espoir.

Il y a deux interprétations possibles à la signification de cette couverture.
Premièrement, elle me donne un goût d'optimisme et que tout, au final, finira bien. Cette couverture me laisse rêveuse et je ne peux m'empêcher de penser à d'hypothétiques enfants qui soufflent sur le pissenlit, à cette gaieté et espérance...

La deuxième interprétation s'ancre davantage dans la réalité du livre: dans celui-ci, le pissenlit constitue le symbole de l'amour entre Nico et Gemma. Quand Gemma n'était pas encore tombée amoureuse de Nico, celle-ci lui répondait "Pissenlit" en réponse à ses "Je t'aime".
Ce symbole provient, de plus, des peintures de Nico représentant des pissenlits.

jeudi 26 mars 2015

"Des fleurs pour Algernon" - Daniel Keyes


Réflexion autour d'un thème: l'intelligence

"Des fleurs pour Algernon", ou une véritable quête de l'intelligence... L'ouvrage entier tourne véritablement autour de cette notion.
Mais au fond, qu'est-ce vraiment que l'intelligence? Consiste-t-elle en la possibilité de résoudre des équations atrocement compliquées? Ou à écrire sans fautes d'orthographe? Ou encore à philosopher sur le sens de la vie?
Et l'intelligence serait-elle quantifiable, à défaut d'être qualifiable?

Après de multiples interrogations et étant septique quant à l'existence d'une SEULE intelligence, j'ai voulu effectuer quelques recherches au sujet de la définition même d'intelligence. Pour moi, ce mot renvoyait dès le départ à une notion de multiplicité.

Tout d'abord, il faut savoir qu'il est extrêmement difficile de donner une définition claire et précise de l'intelligence. Aucune ne fait vraiment l'unanimité.
La raison en est probablement que ce terme renvoie à des capacités multiples et variées. En effet, dire que Baudelaire devait être très intelligent pour rédiger d'aussi beaux poèmes, ou qu'il faut être intelligent pour installer, dans sa maison, l'éclairage électrique, ne signifie pas grand chose et le mot "intelligent" finit, de mon point de vue, par se vider de tout sens.
En bref, l'intelligence peut revêtir plusieurs définitions. En voici quelques-unes que j'ai trouvées lors de mes recherches:

  • Faculté à s'adapter à de nouvelles situations.
  • Capacité à comprendre et à manier les idées (quelles idées et que veut dire comprendre et manier? Mystère et boule de gomme!)
  • Capacité à agir dans un but déterminé, à penser rationnellement et à avoir des rapports efficaces avec son environnement.
  • Faculté de connaître et d'agir selon les circonstances, de façon propre aux êtres animés.
Comme nous pouvons le constater, la notion générale d'intelligence englobe plusieurs éléments, plusieurs capacités. Elle n'est donc pas une simple question de connaissances. 

Vous l'aurez compris, il est extrêmement difficile de mesurer l'intelligence d'une personne dans sa totalité. Et c'est là que je fais entrer en scène les fameux tests de QI qui prétendent mesurer avec exactitude l'intelligence. Ceux-ci font évidemment débat et posent question, non sans raison.
Dans le livre, Charlie subit, tout au long de son évolution et puis de sa régression, un certain nombre de tests dont quelques tests de QI. Mais ces célébrissimes tests mesurent-ils vraiment l'intelligence?
Ayant un sérieux doute, j'ai également effectué quelques recherches sur le sujet.

Un test de QI consiste en le résultat d'un test psychométrique, c'est-à-dire que lorsqu'on le lie avec d'autres éléments d'un examen psychologique, il fournit une indication quantifiée de l'intelligence d'une personne. Cependant, il serait erroné d'énoncer avec certitude que ce genre de test mesure réellement l'intelligence. J'ajouterai d'ailleurs qu'il serait plus adapté de préciser qu'il établit des comparaisons sur les capacités d'un individu par rapport à une norme, une population de référence, la moyenne étant située à 100 de quotient intellectuel.
Dès lors, il serait plus juste de dire que ce type de test fournit un indice sur la vivacité intellectuelle de l'individu testé.

Ensuite, j'ai également appris que certains scientifiques posent même la question de la validité scientifique d'un test de QI. En effet, comment une note unique pourrait-elle rendre compte de la structure interne et complexe de l'intelligence? Impossible!
De plus, les tests de QI ne permettent de mesurer qu'une certaine forme de l'intelligence: la capacité à employer le langage pour penser et exprimer des idées (intelligence verbale) et celle qui nous rend aptes à calculer, à mesurer et à faire preuve de logique dans la résolution de problèmes (intelligence logico-mathématique). Il s'agit donc de faire preuve de prudence lorsque l'on évoque ces tests!

D'ailleurs, un psychologue américain et également professeur de psychologie à Harvard, Howard Gardner, proposa, dès 1983, un modèle des "Intelligences multiples", rendant mieux compte de la diversité de nos facultés. 
D'après Gardner, il existerait huit types d'intelligences: linguistique, logico-mathématique, kinétique, intrapersonnelle, interpersonnelle, musicale, naturaliste et visuelle-spatiale.

Il a été prouvé que chaque personne possède plusieurs types d'intelligence. Il est donc stupide de vouloir enfermer quelqu'un dans une seule intelligence (ou non-intelligence pour certains), comme il était stupide de la part des chercheurs de vouloir rendre Charlie à tout prix "intelligent" puisqu'à sa manière il l'était déjà.
Vous comprendrez donc pourquoi le mot "intelligent" sera, dans la suite de ce compte-rendu, mis entre guillemets.

Sources


Commençons par le début. Lorsque l'on ouvre ce livre, nous tombons directement sur un extrait de la "République" de Platon. Ceci est particulièrement parlant et je le trouve véritablement adéquat.
De l'obscurité vers la lumière et de la lumière vers l'obscurité...
Ainsi, Charlie, le héros de l'histoire, vivra, ou subira, terme plus juste, une véritable expédition cognitive, devenant progressivement plus "intelligent" et verra, au fil du temps, ses incroyables capacités décliner.
L'intelligence nous permettrait donc de passer du monde sensible au monde intelligible et inversement. Intéressant.

Ensuite, il faut, bien entendu, saluer la magnifique performance de l'auteur: celui-ci, en faisant rédiger à Charlie un journal sous forme de comptes-rendus, frise la perfection et permet une parfaite adéquation entre le fond et la forme du roman. Petit à petit, nous suivons Charlie dans tous ses progrès, à la conquête du Saint-Graal que représente l'"intelligence".
Le personnage est touchant et on vit véritablement ce qui lui arrive à travers lui.

Au-delà de la prouesse stylistique, ce livre suscite de multiples interrogations. L'un des médecins dira d'ailleurs à Charlie: "Plus tu deviendras intelligent, plus tu auras de problèmes, Charlie".
Est-ce vrai? Je n'en sais rien et n'ai pas nécessairement envie d'être aussi catégorique que ça.
Bien sûr, je vous avoue que j'aimerai , par moment, arriver à ne plus rien penser, juste une minute ou deux. Cela me semblerait bien reposant.
L'intelligence est-elle source de problèmes? En voilà une belle question pour un bac philo!
Je répondrai que la connaissance entraîne presqu'automatiquement - Du moins, on peut l'espérer! - une prise de conscience et que celle-ci peut se révéler plus que douloureuse, mais également nécessaire, vitale. Comme dit le dicton: "L'intelligence ne fait pas le bonheur", et c'est pourquoi cette "intelligence" se doit de déboucher sur quelque chose.

Ainsi, plus Charlie devient "intelligent", plus celui-ci découvre que la plupart de ses relations et des éléments de sa vie auxquels il croyait sont, en réalité, basées sur un mensonge ou, en tout cas, ne sont pas aussi sincères qu'il l'eut cru.
En tant que lectrice, j'ai pu ressentir la détresse de Charlie et même la partager. En effet, qui n'a pas un jour, en un éclair de lucidité, découvert que les êtres à qui l'on tient sont bien différents de ce que l'on se prêtait à croire?
Peut-être est-ce d'ailleurs ce genre d'expériences qui nous fait, parfois malgré nous, grandir et évoluer...

Un deuxième questionnement consiste en les relations sociales de Charlie une fois devenu "intelligent". Que vaut l'intelligence sans une capacité d'empathie ou du moins, sans une certaine sensibilité?
Evidemment, l'on s'aperçoit très vite que Charlie vit en profond décalage entre ses phénoménales capacités d'apprentissage et les relations humaines qu'il développe. Ce décalage se traduira surtout dans la relation qu'il entreprendra avec Alice Kinian.
Et lorsque commence à se laisser pressentir la fin, l'on ne peut s'empêcher de se demander si finalement... Ce n'est pas mieux comme ça. "Intelligent" mais malheureux, ou moins "intelligent" - De façon différente, dirons-nous - mais heureux? Voici un cruel dilemme.
Cependant, Charlie n'aura pas ce choix.

Progressivement, nous voilà trahis, nous, lecteurs. C'est en tout cas mon sentiment. Jusqu'au bout l'on s'accroche à un possible retournement de situation, jusqu'au bout l'on espère. Et pourtant...
Voilà Charlie redevenu comme avant. Simplement Charlie. L'espoir s'effondre.
Peut-être est-ce mieux comme ça et comme le dit un certain Camus, il faut imaginer Sisyphe heureux...

En conclusion, j'aimerai simplement ajouter que selon moi, l'intelligence au simple service de l'intelligence ne mène à rien. Celle-ci doit toujours être au service, d'abord, d'une prise de conscience et ensuite, doit servir à autre chose, un rêve, un objectif, un but, que sais-je...
L'intelligence sans conscience ne vaut rien.

lundi 16 février 2015

"La maison du scorpion" - Nancy Farmer


Ma lecture pas à pas

Le titre tout d’abord… « La maison du scorpion » avec en première de couverture, un scorpion sur fond rouge. Que peut-il bien représenter ? D’emblée, je l’associe à un personnage (lequel ? C’est encore un mystère…) dirigeant une maisonnée ou un domaine. Intuitivement, je prédis qu’il ne s’agira pas là d’une histoire des plus joyeuses.
La quatrième de couverture nous apprendra que le scorpion représente, en réalité, l’emblème d’un certain  « El Patròn », homme le plus puissant au monde et régnant sur un pays fictif « L’Opium », entièrement dédié à la drogue.

«Aaaah, une anti-utopie, me dis-je ».

Poursuivant la lecture de la quatrième de couverture, j’apprends également la présence de clones, véritables objets humains destinés à servir de réservoirs d’organes. Le clonage donc… Intéressant !
La dernière phrase m’interpelle : « Le problème, c’est que, quand on a un cerveau, on s’en sert ».
Elle résonne comme une promesse, promesse de révolution, de liberté. Je souhaite d’ores et déjà bonne chance au héros et décide d’ouvrir le livre sans plus tarder.

Aie ! Une fameuse liste de personnage. Cela commence bien ! Je m’attends donc à une histoire assez compliquée. Vu le nombre de personnage, je parierais même sur une histoire dans l’histoire, nous verrons bien…  Je passe très vite la liste en revue : au final, je pense qu’elle sera d’une grande aide et apportera plus de clarté. À voir !

  • Entrons dans le vif du sujet ! Arrivée à la page 100 :

Il s’en est passé des choses ! Jusque là, le récit est très fort centré sur Mattéo. Un mot à dire : génial !!! Pour l’instant, j’adore ce roman. Celui-ci me fait déjà ressentir moult émotions, ce que j’attends principalement lorsque je lis un livre, qui plus est un roman : de l’affection et espérance au tout début, lorsque Mattéo vit avec Célia, de la peur lorsqu’il rencontre Steven et Maria, de la haine, beaucoup de haine envers Rosa, encore de la peur quand il rencontre pour la première fois El Patròn  et du soulagement lorsqu’il est remis à Célia.
Nous faisons également connaissance avec Tam Lin, le garde du corps pour lequel j’éprouve déjà beaucoup d’affection. J’espère que son personne sera davantage développé par la suite.

Déjà, cette partie de livre me pose quelques questions: est-ce parce qu'il est la copie conforme d'El Patròn que Mattéo ne pourra jamais se comporter autrement? La génétique a-t-elle un poids si immense sur lui... Sur nous? Finira-t-il charcuté comme un vulgaire bout de viande?
J'ai tendance à espérer le contraire et je présume un retournement de situation, croisons les doigts!
Un passage m'ayant particulièrement marqué consiste en la découverte du don que possède Mattéo pour le piano et la musique. Tam Lin résume bien la situation: "C'est drôle, je n'aurais jamais cru qu'El Patròn serait doué pour la musique". J'ai alors tendance à penser que c'est également nos expériences, nos goûts, nos choix qui déterminent ce que nous sommes, autant, ou beaucoup plus que la "simple" génétique.

  • Continuons! Page 213, la moitié du roman:
Je suis véritablement happée par ce roman qui est devenu mon numéro 1 de cette liste de lecture. 
Que de rebondissements! Tout d'abord, Mattéo découvre le vrai visage de Tom, un garçon de son âge, qui, sous des airs angéliques, est en réalité le diable incarné. S'ensuivra un conflit bouillonnant entre Tom et sa mère contre Mattéo, la principale victime étant Bouldepoil, le petit chien de Maria.
Ensuite, Mattéo découvre, à l’hôpital, le sinistre sort réservé au clone de MacGrégor.
Malgré cette découvertes et les perfides allusions de Tom à ce sujet, Mattéo reste convaincu qu'El Patròn l'aime sincèrement.
En parallèle, les choses s'accélèrent et l'on sent bien que le moment funeste où l'on va prélever les organes de Mattéo approche, El Patron n'étant pas en au top de sa forme.
Des changement apparaissent dans les attitudes de Célia et Tam Lin. Ce dernier, par exemple, emmène régulièrement Mattéo dans une cabane sur la plage et le soumet à des entraînements rudes.
Va-t-il le faire évader? Cela serait probable.
Célia aussi semble comploter quelque chose contre l'usage que compte faire El Patròn de Mattéo. Ainsi, un passage m'a tout particulièrement troublée: la conversation entre Célia et Tan Lin. Célia tente-t-elle d'empoisonner Mattéo? Pourquoi ferait-elle ça? Est-ce la seule façon pour lui d'échapper à son destin? Nous verrons par la suite.

Nous apprenons également que le nom de famille d'El Patròn est Alacrán. En français, cela signifie "Scorpion". Ma supposition du début était don juste. Scorpion constitue une métaphore désignant El Patròn lui-même de par sa dangerosité, mais également le domaine entier, en ce compris les personnes qui y résident.

  • Page 265

Ça y est! El Patròn est mort et Mattéo vivant! Quels rebondissements!
Les médecins ont bien sûr tenté de prélever les organes de Mattéo et de les transplanter sur El Patròn.
C'est là que Célia entre en scène: en effet, cette dernière a, durant de longues années, empoisonné Mattéo à petites doses, ne le tuant pas mais  rendant ses organes trop instables pour une transplantation. Une idée de génie! S'ensuivra un dialogue entre Célia et El Patròn mourant.
Quel courage et quel cran de la part de Célia! Du coup, j'ai vraiment peur pour elle!
Et Tam Lin, quel comédien! J'y ai cru jusqu'au bout! Ce personnage va vraiment me manquer, il est bien plus profond qu'il n'en laisse paraître.
Voilà donc Mattéo parti, il va essayer de rejoindre Maria à San Luis. j'espère de tout coeur qu'il va y arriver!

  • Page 276

Une histoire dans l'histoire, je l'aurais parié! Mattéo se trouve maintenant en Azlan et est amené dans une usine avec d'autres enfants. Que va-t-il se passer? Mattéo va-t-il prendre la tête des enfants et se rebeller? Retrouvera-t-il Maria, Célia, Tam Lin?

  • La fin

J'ai donc terminé, avec regret je dois dire, "La maison du scorpion". Ce livre est, pour moi, un véritable coup de cœur.
Avec ses nouveaux amis, Mattéo finit par se rebeller et s'échapper de l'usine où les conditions de vie sont vite devenues insupportables. Après quelques péripéties, il retrouve Maria et sa mère Esperanza qui le convainc de retourner en Opium.
Mattéo y  rejoint Célia et quelques-unes de ses connaissances qui sont, en réalité, les seuls survivants.
C'est à se moment que l'on prend véritablement conscience de toute la sournoiserie et de l'extrême intelligence d'El Patròn.Les bouteilles de vin à son enterrement étant empoisonnées, tous ses invités sont morts en même temps que lui. Ils lui appartenaient tous.
Même Tam Lin, pourtant au courant de la manigance. Cela m'a vraiment déchiré le cœur et je lui en veux un peu d'avoir pris cette décision. Pourquoi? Pourquoi n'est-il pas resté pour aider Mattéo? Pourquoi est-il mort pour un vieillard infâme?  Pourquoi??? Un semblant de réponse se trouve peut-être dans le passé de Tam Lin: étant accidentellement responsable de la mort d'une vingtaine d'enfants, il ne se jugeait peut-être pas digne de continuer à vivre, tout en sachant sa mission de sauver Mattéo accomplie.
Au final, c'est à Mattéo que reviendra le devoir de démanteler l'empire d'Opium. Une lourde tâche!

En conclusion, je vois la fin comme une sorte de happy end en demi-teinte, la mort de Tam Lin et les atroces agissements d'El Patròn m'empêchant de la considérer comme une fin heureuse à part entière.
Et c'est peut-être à cette fin que l'on s'aperçoit qu'il s'agit bien d'un roman pour adolescents: l'histoire finit bien, de manière générale.
Je ne peux que conseiller la lecture de ce roman, il est terriblement addictif, on retient son souffle à chaque chapitre et l'on ne sait s'en détacher avant d'avoir tourné la dernière page. C'est également un livre qui tend à nous faire réfléchir sur bien des sujets: le clonage évidemment, mais aussi la question de la vie éternelle, de l'utilisation de la science, de l'égalité,...
Une lecture que je conseille à tous à partir de la troisième année secondaire.

Le clonage

En lisant la « Maison du scorpion », j’ai tout de suite pensé qu’heureusement le clonage était toujours, de nos jours, interdit. Pour moi, il ne pouvait en être autrement. Mais qu’en est-il vraiment à l’heure actuelle ? Il faut dire que depuis la brebis Dolly, de l’eau a coulé sous les ponts.
Je m’aperçois que je n’en sais pas beaucoup plus sur le clonage.
Prédisant un sujet très complexe et intéressant, ainsi que de passionnants débats avec  mes élèves, j’ai décidé de faire une recherche sur le clonage en général et son état d’avancement à l’heure actuelle.


Tout d'abord, d'un point de vue scientifique, qu'est-ce que le clonage? Selon la Commission Européenne, le clonage serait défini comme "La création d'un organisme constituant la copie génétique fidèle d'un autre organisme, les deux organismes en question partageant donc le même ADN". 

Il faut savoir que la thématique du clonage est présente dans les esprits depuis bien longtemps. Preuve en est faite du "Meilleur des mondes" d'Aldous Huxley, livre dans lequel ce dernier imagine une société utilisant exclusivement le clonage et l'ADN pour contrôler et véritablement conditionner les individus.
Plus scientifiquement, c'est en 1903 qu'un certain H.J. Webber, botaniste de son état, utilise pour la première fois le terme "Clone" pour désigner des plantes reproduites par reproduction asexuée.
Durant quelques années, s'ensuivent plusieurs expériences et tentatives de clonage.
Il faudra attendre 1952 pour que réussisse le clonage d'une grenouille et c'est bien à partir de cette date-là que l'on considérera le vrai début de l'histoire du clonage.

En 1979, autre événement majeur: il s'agit de la première tentative sans grand succès de clonage humain, réalisée par l'américain L.B. Shettles.

Il faudra attendre 1996 pour que naisse enfin la célèbre brebis Dolly, premier mammifère à avoir été cloné. D'autres clonages de brebis et de vaches s’ensuivront.
D'autres essais auront également lieu sur l'homme et en 2001, est créé le premier clone d'embryon humain: les fameuses cellules souches. Les scientifiques insisteront énormément sur le côté thérapeutique de ces recherches ayant pour but de guérir des maladies jusque là incurables, à l'aide de cellules souches.

Date importante, en 2004, le projet de révision des "Lois de bioéthiques" est adopté en première lecture au Sénat. De mon point de vue, il s'agit clairement des premières interrogations éthiques sur le clonage. J'espère que beaucoup d'autres suivront si celui-ci venait à se développer.


  • Et aujourd'hui?
Le clonage d'un humain en tant que tel n'a jamais été réalisé. John Gurdon, prix Nobel de médecine en 2012, affirme que le clonage humain serait potentiellement possible d'ici 50 ans.
Pour lui, le clonage humain ne relève absolument pas de la science-fiction. Le chercheur déclare ainsi que la science possède déjà les techniques et que celles-ci devraient être améliorées et opérationnelles d'ici un demi-siècle.

  • Le clonage, illégal?
En Europe:

Au sein de l'Union Européenne, le clonage ne sert actuellement qu'à la recherche, ce que font la plupart des États membres. Précisons que le clonage n'est pas, dans l'UE, utilisé à des fins commerciales. 
Cependant, le Danemark est le seul pays de l'UE à avoir adopté une loi spécifique afin d'interdire le clonage à des fins commerciales, à l'échelle nationale. 

Et ailleurs:

Aux États-Unis, le clonage est autorisé à des fins commerciales. Par exemple, des porcins et des bovins clonés sont vendus à des agriculteurs. Notons, tout de même que, pour le moment, le processus de clonage demeure si coûteux que les clones ne sont pas destinés à l'alimentation mais bien à la reproduction.
L'Australie, le Brésil, le Canada, la Nouvelle-Zélande et le Japon utilisent aussi la technique du clonage mais uniquement pour la recherche.

Nous sommes donc encore bien loin de la réalité du livre!
Pourtant, il faut souligner que le clonage est un thème bien connu et qui est régulièrement pris comme objet pour un livre ou un film: l'exemple le plus frappant consiste sûrement en l'épisode II de la saga "Star Wars", intitulé "L'attaque des clones" et qui raconte l'invasion d'une véritable armée de clones contrôlée et programmée, les héros l'apprendront plus tard, par un sombre seigneur Sith.
Je ne peux résister à vous mettre le lien de la bande-annonce:


Sources:
http://tpesurleclonage.canalblog.com/archives/2009/12/14/16633380.html

vendredi 23 janvier 2015

"Le menteur d'Ombrie" - Bjarne Reuter


Del Diavolo Lacrima, promesse d'une vie éternelle, le désir ultime.

Bjarne Reuter  lauréat de nombreux prix littéraires, est aujourd'hui considéré comme l'un des plus grands noms de la littérature danoise. Preuve en est faite du très ecclésiastique "Menteur d'Ombrie". En effet, Reuter nous conte, là, dans un style haut en couleurs, l'histoire de Giuseppe Pagamino, parti à la recherche d'un précieux ingrédient, la larme du diable, indispensable au secret de la vie éternelle. 
Mais, dure réalité, en ce beau milieu du XIXème siècle où il prétend avoir beaucoup voyagé dans une Ombrie ravagée par la peste, Giuseppe fut avant tout un fossoyeur de tombes, voleur à ses heures perdues. Affabulateur, il l'est, d'où le titre de l'ouvrage.   

Notons que l'ouvrage est librement et volontairement inspiré du Décameron de Boccace et ça a là toute son importance: ainsi, ce Décameron dépeint la vie et moeurs de jeunes gens s'interrogeant sur les vices humains et les valeurs morales, au lendemain de la grande peste de Florence. Sujet et cadre spatio-temporel que Reuter reprendra subtilement dans son récit. Par ailleurs, la peste relie thématiquement les deux ouvrages.


Dans une perspective plus littéraire, nous ne serons pas déçus par la plume de l'auteur, tant au niveau des descriptions que par sont style su particulier, un véritable don pour raconter les histoires.

De plus, d'une manière générale, les principales catégories sociales de l'époque et les ingrédients romanesques sont tous, ou presque, au rendez-vous: histoires de vie bien entendu, mais aussi religion et clergé, amours et mariage, assassinats et morts,...
Bien que le récit soir prétexte à une énième histoire amoureuse, le roman se distingue de par la richesse et la complexité relationnelle des protagonistes. Amateurs d'histoires à l'eau de rose, passez votre chemin donc!

Nous retiendrons tout particulièrement une certaine ironie présente, notamment, via la traduction française du nom même de Pagamino - Païen, indice de son étrange destinée - ainsi qu'au travers de personnages plus sombres, comme un certain évêque qui, au final, se révélera tout autre qu'il ne l'aurait jamais imaginé. La fin constituera ainsi en un renversement acerbe de situation, laissant le lecteur particulièrement rêveur.

Quoique le romain soit essentiellement écrit sous forme de dialogues qui prennent de temps à autre l'allure d'un véritable conflit entre la bonne et mauvaise conscience du héros, l'on y retrouve de nombreuses métaphores et remarques percutantes. De plus, certains adages éculés ne conservent pas moins leur pertinence et leur beauté: "La mort a sûrement été créée pour nous rappeler la beauté de la vie" ou encore, "Le jour qui disparaît maintenant ne reviendra jamais, c'est pourquoi il est si précieux".

S'en dégage l'impression d'une lecture riche, percutante, et non dépourvue d'un certain réalisme, une lecture dont on ne peut sortir indemne.Humain et poignant.

                                                                              

samedi 6 décembre 2014

"Dinky rouge sang" - Marie-Aude Murail

Il faut tout d'abord savoir que Dinky rouge sang constitue, en fait, le premier tome d'une série de sept autres romans: la série "Nils Hazard, chasseur d'énigmes".
Dinky rouge sang raconte les nombreuses énigmes auxquelles sont confrontés Nils Hazard, professeur d'étruscologie à la Sorbonne, et son ancienne élève et assistante Catherine Roque. Tout cela évidemment déroulé sur le tapis ardent d'une romance naissante...


Dinky rouge sang?



Dinky rouge sang, un titre pour le moins étrange... Néanmoins, au fil du récit nous en comprendrons davantage les tenants et aboutissants.
Comme vous l'auriez probablement deviné à l'aide de l'illustration ci-dessus, le titre fait référence à une ancienne voiture de collection, une Alfa Romeo Giulieta, de la marque Dinky Toys, voiture possédée par feu les parents de Nils Hazard.
Il s'agit également de la voiture miniature que le jeune Nils trouve lors de son exploration dans les combles de ses grands-parents, et qu'il conserve toujours, une fois devenu adulte.

Fait remarquable, cette voiture nous accompagnera véritablement durant toute l'histoire, devenant son fil conducteur en quelque sorte.
La voiture est, en effet, évoquée très tôt dans le récit, dès la page huit. Le jeune Nils rêve alors du départ de ses parents pour une destination inconnue, dans une voiture de sport rouge éclatant, une Dinky rouge sang. Ces rêves le hanteront alors toute sa vie, faisant de lui ce qu'il est, un chasseur d'énigmes.
Nous comprenons ainsi que "Sang" n'est pas seulement une déclinaison du rouge de la voiture, mais fait également référence au meurtre des parents de Nils, à cette extrême violence.

D'autre part, le mot "Sang" a, lui aussi, toute son importance et ne fait pas seulement écho à la couleur de la voiture. Il appartient réellement au champ lexical employé dans le livre. Vous me direz, pour un roman policier, c'est l'évidence.... Mais au fond, pas tant que ça! Et c'est là que le génie de l'auteure, Marie-Aude Murail, intervient. Elle possède, en effet, le don de raconter et donc d'entrelacer un mot pour le moins basique du roman policier avec une histoire fascinante pourvu d'un personnage haut en couleur - avec une prédominance pour le rouge, le rouge sang -  et tout aussi énigmatique que les énigmes qu'il tend à résoudre, nous y reviendrons par la suite.

Concernant le titre, pari gagné donc!


Un comparaison avec la série "Sherlock"

Après la lecture du livre, une idée a soudainement fusé dans mon esprit: établir un comparaison avec la série Sherlock, produite par Mark Gatiss et Steven Moffat. Quelques points méritent, en effet, que l'on s'y attarde.


Tout d'abord, le personnage principal, Sherlock, présente quelques similitudes avec Nils Hazard.
Les deux personnages sont étranges, quelque peu excentriques et perçus comme tels. Ils présentent également une intelligence hors du commun, un passé trouble et un singulier manque d'empathie concernant l'espèce humaine. Sur ce dernier point, précisons tout de même que Sherlock en est le champion en la matière, Nils ne présentant pas cette même froideur, nous y reviendrons.
Nils et Sherlock possèdent également la fascinante capacité de déduction, les amenant à appréhender et analyser une personne ou un lieu en une poignée de secondes.

Tous deux sont évidemment de redoutables chasseurs d'énigme. Et c'est la façon de les résoudre qui m'intéresse ici. Sherlock utilise ce que l'on appelle la technique du "Palais mental" ou "Palais de la mémoire". Il s'agit, en gros, d'une méthode de mémorisation permettant d'enregistrer, à l'infini, une longue liste d'éléments en tout genre (lectures, visages, parfums,...) en les associant à un lieu déjà connu: votre "Palais" pourra donc être votre chambre, maison, jardin ou, plus globalement, n'importe quel endroit dans lequel vous vous sentez bien.
Dans Dinky rouge sang, Nils Hazard a, lui aussi, une mémoire extensible et impressionnante des détails et des faits en général. Il se pourrait donc qu'il utilise, très certainement inconsciemment, un "Palais mental", tout comme Marcel Proust, brièvement évoqué.
 En allant plus loin, il serait étonnant de penser que le"Palais mental" de Nils ne consisterait peut-être finalement pas en un lieu mais bien... en un rêve, véritable biais de sa concentration et mémorisation. Hypothétique hypothèse, nous n'en saurons sûrement jamais plus!

Une autre similitude entre les deux œuvres est évidemment la présence d'un acolyte accompagnant le héros lors de toutes ses enquêtes: Watson pour l'un, Catherine Roque pour l'autre.
Que ce soit dans la série ou le livre, les deux personnages y tiennent un rôle essentiel, juste derrière le héros. Tous deux consistent en les dignes représentants des personnes "normales", vous et moi, qui ont parfois du mal à suivre les raisonnements de leur détective respectif. Ceci est évidemment paradoxal car ce sont également les deux seules personnes à comprendre un tant soi peu Nils et Sherlock.
Autre point à souligner: les relations ambiguës entre le héros et les assistants. Si à la fin, l'accointance entre Nils et Catherine devient parfaitement claire, rien n'est moins sûr dans la série, laissant parfois le spectateur douter de la véritable relation entre Sherlock et Watson.

Enfin, je souhaiterai évoquer l'apparente insensibilité des deux personnages. Sur ce point, le livre diffère quelque peu de la série.
Sherlock est un sociopathe notoire, incapable de lier des liens avec d'autres êtres humains et ne sachant nullement faire preuve d'empathie, incapable d'éprouver une émotion.
Nils, quoique ne nous démontrant pas une énorme sensibilité, ressent tout de même une multitude de sentiments, preuve en est faite par l'amour qu'il éprouve pour Catherine, amour dont Sherlok serait incapable.

J'aimerai conclure par une petite précision: un livre n'est évidemment pas un film et inversement. Ce sont deux supports culturels différents qui répondent à leurs propres règles. Le langage filmique ne sera assurément pas le même que le langage livresque. Ma comparaison valant ce qu'elle vaut, je pense qu'il est tout de même essentiel de garder cela à l'esprit.


Première et quatrième de couverture, qu'en dire?





De la quatrième de couverture, je n'ai rien de spécifique à en dire, autant sur le fond que sur le forme. Ainsi, le résumé apéritif m’apparaît comme particulièrement bien réalisé: court mais pas trop, divulguant quelques informations, mais juste ce qu'il faut pour donner envie au lecteur d'ouvrir le livre.  
Sur la forme, il s'agit d'une quatrième de couverture tout ce qu'il y a de plus classique, dotée, il est important de le souligner, d'un beau fond sobre d'un noir ébène, convenant particulièrement à l'ambiance policière et énigmatique du livre. Rien à redire sur ce point!

La première de couverture, à présent! La première approche du livre...
 Nous pouvons y voir, de dos, une silhouette sombre, la tête légèrement baissée, se hâtant - ou errant, qui sait? - au milieu d'effervescents ronds colorés, tirant pour la plupart vers le rouge - dinky rouge sang. Nous y retrouvons également des points jaunes, bleus et verts. Et c'est envers ce foisonnement multicolore que je tends à devenir quelque peu sceptique.
En effet, et même si cette première de couverture révèle clairement un véritable travail de recherche de la part de l'illustrateur Gabriel Gay, je trouve personnellement que tous ces ronds de couleurs différentes laissent, au final, un impression de total capharnaüm et arriveraient presque à mettre de côté l'élément principal de l'illustration, à savoir la silhouette sombre, censée, peut-être, représenter Nils Hazard. Et je dois avouer - Peut-être est-ce dû à la saison - que tout ceci me fait irrésistiblement penser à un sapin de Noël dont les ampoules de la guirlande électrique clignotent dans tous les sens.

Clignotent, avez-vous dit? Comme des ampoules mais aussi comme... Les phares d'une voiture... D'une Dinky rouge sang par exemple. Cela tiendra davantage au récit. J'interpréterai alors la silhouette sombre comme étant celle de Nils Hazard allant au devant du grand mystère qu'est celui du meurtre de ses parents, au travers de la voiture représentée ici, implicitement, par la lumière de ses phares.

Après réflexion, les points colorés pourraient tout aussi bien symboliser les mystères auxquels est confronté Nils. L'explication de la silhouette vue de dos serait alors, à peu de choses près, la même que la précédente: Nils Hazard allant à la rencontre des énigmes qui se présentent à lui.

Finalement, pas si mal cette première de couverture!

Il y a des pourquoi qui sont veufs de parce que...

Il y a des pourquoi qui sont veufs de parce que.

Cette phrase, prononcée par Nils, est vite devenue l'une de mes citations fétiches et correspond, de mon point de vue, tellement bien au livre et au personnage que constitue le détective!

Certains pourraient comprendre la phrase comme une sorte de renoncement, il n'en est rien!
Nils affirme, de par cette locution, qu'il y a, de façon générale, bien des éléments, énigmes, mystères - nommez-les comme vous le souhaitez - qui lui échappent et lui échapperont encore et toujours, et en particulier son passé trouble.

Plus personnellement, je pense que cette phrase illustre bien la vie avec un grand V. Le monde comporte en son sein maints éléments inexplicables, ce qui, d'ailleurs, constituerait peut-être, en partie, la beauté de l'univers.

Murail nous propose donc là, en plus du reste, une ouverture vers une certaine forme de philosophie, celle du lâcher-prise, qui mériterait d'être débattue avec les élèves à qui l'enseignant aura eu la bonne idée de faire lire le livre.





jeudi 4 décembre 2014

"Simple" - Marie-Aude Murail



Tout d'abord un titre...

Comme tout livre – enfin, nous pouvons l’espérer ! – Simple nous apparaît d’abord de par un titre représentatif et assez énigmatique. Pas de fantaisies inutiles ni de fioritures : nous allons, ici, directement à l’essentiel.

Attaquons-nous donc au titre simplissime, si vous me pardonnez le jeu de mots : Simple, juste Simple, faisant référence à un jeune adulte déficient mental, Barnabé dit Simple. Mais simple, l’est-il vraiment ? À priori, nous pourrions affirmer sans hésitation qu’il en est ainsi : un jeune homme de vingt-deux ans possédant un quotient intellectuel d’un enfant de trois ans ne pourrait nous mener bien loin. Et pourtant… Barnabé – rendons-lui honneur ! –  constitue, en réalité, un personnage fortement intéressant et digne d’intérêt, un personnage qui prend de l’ampleur et de la profondeur, autant que l’un des meilleurs vins de Bourgogne.  En un clin d’œil, le voici peint d’une personnalité complexe qu’il nous faudra longtemps, au moins le temps d’un livre, pour appréhender.                                                                                        

Mais inutile de le nier, déficient mental il l’est et le restera. Ainsi, notre Barnabé accumule les bêtises en tout genre, casse les montres et téléphones portables  - sait-on jamais qu’il en sortirait des « beaud’hommes?! -, ne se balade jamais sans son « Vérolair » et son Monsieur Pinpin qu’il n’hésite pas à sortir en toutes occasions.  L’effet produit en est alors des plus étranges lorsque nous comprenons enfin que ces facéties, en plus de nous inspirer beaucoup de tendresse vis-à-vis du personnage, révèlent, en fait, son intelligence, une compréhension de la vie et des gens, et une logique qui n’en demeure pas moins, bien que différente de la nôtre, juste et touchante. Simple perçoit la vie à travers ses émotions, sans préjugés ou stéréotypes, parle sans user de mensonges ou de fioritures et ce qui en ressort est étonnamment vrai et rafraîchissant. Ainsi, Tata pue, Aria est gentille, la chambre est moche,...  

Bien sûr, l’écriture de l’auteure, Marie-Aude Murail, y est véritablement pour quelque chose. Cette dernière possède, il va sans dire, un incontestable don, une écriture fluide et fraîche qui a l’art de nous attendrir et de nous téléporter dans le quotidien poignant de deux jeunes frères pour qui l’on tremble et dont on suit l’évolution.  Sous sa plume et sa science de la narrativité, Simple prend vie et livre une bataille sans merci contre l’atroce complication des adultes.
Le titre pourrait donc se voir interprété dans ce sens également : Barnabé appréhende la vie d’une manière simple, véritable allégorie d’une enfant de trois ans qui découvre le monde et ne comprend pas la ténacité des grandes personnes à y ajouter un enchevêtrement de problèmes tous plus abrutissants les uns que les autres, problèmes vers lesquels tend Kléber qui dit, par opposition, se nommer Monsieur « Compliqué ».                                                  
 La vie vue par Simple est… Simple et constitue un encouragement à tendre vers cette simplicité pour retrouver la véritable valeur de la vie, sa substantifique moelle en quelque sorte !

Enfin, une autre interprétation du titre est possible et je n’ai pu m’empêcher de remarquer un détail : la récurrence du mot « Simple » utilisé en tant qu’adjectif et souvent employé en fin de chapitre ou de paragraphe. « Tout n’était pas simple dans cette histoire » ou encore « Pas si simple que ça » sont des phrases révélatrices et loin d’être anodines. En effet, la vie quotidienne aux côtés de Simple ne se révèle pas d’une facilité sans nom et s’avère même être une aventure de tous les jours.                                                           
Il n’en reste pas moins que cette non-simplicité, aurais-je envie d’ajouter, est valable pour tous les personnages du livre et globalement, pour le monde entier. Ainsi, ce livre nous apprend également qu’il faut lutter pour ce que l’on désire vraiment : l’amour d’Enzo pour Aria ou Kléber  qui lutte contre le dictât de la facilité imposé par son père en gardant Barnabé avec lui. 

Alors, Simple, un I-di-ot ? À cette question, Enzo y répond parfaitement : « C’est le type le plus intelligent que je connaisse. ».    


Egalement une couverture!




 L’image présente sur la couverture nous apparaît dans toute sa sobriété, comme il est coutume à l’École des Loisirs. Un lapin un peu défraichi et à l’oreille droite pliée nous fait face. Un coup d’œil à la quatrième de couverture suffit : il s’agit du fidèle compagnon de Simple : Monsieur Pinpin. Mais, qui est-il vraiment ?

D’emblée, nous pressentons que ce Monsieur Pinpin ne constitue en rien une peluche ordinaire comme il y en a des centaines. En effet, ce lapin volerait presque la vedette à Simple, tant il consiste à lui seul un personnage à part entière et doté d’une profondeur insoupçonnée. 
Si, de prime à bord, son rôle pourrait se restreindre à celui d’un confident, voire d’un ami imaginaire, la lecture du livre nous confirme qu’il est, en réalité bien plus que ça. De fil en aiguille, nous nous apercevons que Simple est Monsieur Pinpin et inversement, Monsieur Pinpin est Simple. Celui-ci vit véritablement à travers lui : lorsque Monsieur Pinpin est triste, c’est, en réalité, Simple qui l’est, quand Monsieur Pinpin incite Simple à dérober les briquets de Corentin, c’est, en fait, Simple qui le désire.
 Facteur psychologique primordial, Monsieur Pinpin a une fonction cathartique évidente : c’est à travers lui que Simple vit ses déboires, ses passions, ses interdits,… Un des passages les plus touchants du livre se révèle être le retour de Simple à Malicroix. Ce dernier va littéralement crever les yeux du lapin  pour ne pas voir ce qu’il se passe à Malicroix. Il exprime donc à travers Monsieur Pinpin ce que lui ressent profondément et qu’il ne sait dire avec les mots. C’est également à travers le lapin que Simple découvrira les premières ébauches de sexualité.   

Ensuite, élément important, Simple a véritablement conscience du fait que Monsieur Pinpin n’est pas un être vivant. Cependant, il fait bien la différence entre Monsieur Pinpin en tant que peluche et les autres peluches. Un exemple est donné par le passage dans lequel Simple apporte une lapine en peluche : une Madame Pinpin pour Monsieur Pinpin. Ce dernier, donc Simple également, repoussera la lapine d’un « Ca ? C’est une peluche. ». De la même façon qu’il ne peut y avoir deux Monsieur Pinpin, il ne peut y avoir deux Simple.

Enfin, une question importante est également traitée au travers de Monsieur Pinpin : la mort. Simple pose souvent la question au lapin : « Dis, est-ce que tu vas être mort un jour ? ». Le livre se referme d’ailleurs là-dessus.                                                                               
Simple, comme tout enfant, a peur de la mort et se pose évidemment des questions par rapport à cela, personne n’ayant apparemment pris la peine de lui en parler. 
De mon point de vue, j’ai perçu la question de plusieurs façons. La première est la plus évidente : la mère de Simple et de Kléber est morte des années auparavant et encore une fois, la peluche accomplit son action cathartique. 
Concernant les quelques autres interprétation, je n’ai aucune certitude, juste quelques hypothèses.     La première de ces hypothèses réside, tout simplement (encore Simple !) dans le fait que Simple a une peur bleue de perdre Monsieur Pinpin, de le perdre au sens littéral, c’est-à-dire de l’oublier quelque part comme ce qui a bien failli se passer dans l’église. Simple a fait du lapin une partie de lui-même, son véritable subconscient. Comment, dès lors, vivre sans ? 
 Une deuxième hypothèse concerne l’indépendance de Simple. En effet, pour gagner en autonomie, un enfant doit accepter de laisser derrière lui doudous et autres peluches, une mort symbolique en quelque sorte… Cependant, Simple ne sera sûrement jamais prêt à grandir, de par sa condition de déficient mental. 
Une dernière hypothèse consiste à penser que Simple a lui-même peur de mourir, de ne pas se réveiller un matin ou de disparaitre soudainement. En effet, comme nous l’avons démontré précédemment, Monsieur Pinpin est Simple. Avoir peur que le lapin meure reviendrait donc à avoir peur que lui-même disparaisse.   
Heureusement, comme répond si bien Monsieur Pinpin : « Non, c’est pas obligé ».