samedi 6 décembre 2014

"Dinky rouge sang" - Marie-Aude Murail

Il faut tout d'abord savoir que Dinky rouge sang constitue, en fait, le premier tome d'une série de sept autres romans: la série "Nils Hazard, chasseur d'énigmes".
Dinky rouge sang raconte les nombreuses énigmes auxquelles sont confrontés Nils Hazard, professeur d'étruscologie à la Sorbonne, et son ancienne élève et assistante Catherine Roque. Tout cela évidemment déroulé sur le tapis ardent d'une romance naissante...


Dinky rouge sang?



Dinky rouge sang, un titre pour le moins étrange... Néanmoins, au fil du récit nous en comprendrons davantage les tenants et aboutissants.
Comme vous l'auriez probablement deviné à l'aide de l'illustration ci-dessus, le titre fait référence à une ancienne voiture de collection, une Alfa Romeo Giulieta, de la marque Dinky Toys, voiture possédée par feu les parents de Nils Hazard.
Il s'agit également de la voiture miniature que le jeune Nils trouve lors de son exploration dans les combles de ses grands-parents, et qu'il conserve toujours, une fois devenu adulte.

Fait remarquable, cette voiture nous accompagnera véritablement durant toute l'histoire, devenant son fil conducteur en quelque sorte.
La voiture est, en effet, évoquée très tôt dans le récit, dès la page huit. Le jeune Nils rêve alors du départ de ses parents pour une destination inconnue, dans une voiture de sport rouge éclatant, une Dinky rouge sang. Ces rêves le hanteront alors toute sa vie, faisant de lui ce qu'il est, un chasseur d'énigmes.
Nous comprenons ainsi que "Sang" n'est pas seulement une déclinaison du rouge de la voiture, mais fait également référence au meurtre des parents de Nils, à cette extrême violence.

D'autre part, le mot "Sang" a, lui aussi, toute son importance et ne fait pas seulement écho à la couleur de la voiture. Il appartient réellement au champ lexical employé dans le livre. Vous me direz, pour un roman policier, c'est l'évidence.... Mais au fond, pas tant que ça! Et c'est là que le génie de l'auteure, Marie-Aude Murail, intervient. Elle possède, en effet, le don de raconter et donc d'entrelacer un mot pour le moins basique du roman policier avec une histoire fascinante pourvu d'un personnage haut en couleur - avec une prédominance pour le rouge, le rouge sang -  et tout aussi énigmatique que les énigmes qu'il tend à résoudre, nous y reviendrons par la suite.

Concernant le titre, pari gagné donc!


Un comparaison avec la série "Sherlock"

Après la lecture du livre, une idée a soudainement fusé dans mon esprit: établir un comparaison avec la série Sherlock, produite par Mark Gatiss et Steven Moffat. Quelques points méritent, en effet, que l'on s'y attarde.


Tout d'abord, le personnage principal, Sherlock, présente quelques similitudes avec Nils Hazard.
Les deux personnages sont étranges, quelque peu excentriques et perçus comme tels. Ils présentent également une intelligence hors du commun, un passé trouble et un singulier manque d'empathie concernant l'espèce humaine. Sur ce dernier point, précisons tout de même que Sherlock en est le champion en la matière, Nils ne présentant pas cette même froideur, nous y reviendrons.
Nils et Sherlock possèdent également la fascinante capacité de déduction, les amenant à appréhender et analyser une personne ou un lieu en une poignée de secondes.

Tous deux sont évidemment de redoutables chasseurs d'énigme. Et c'est la façon de les résoudre qui m'intéresse ici. Sherlock utilise ce que l'on appelle la technique du "Palais mental" ou "Palais de la mémoire". Il s'agit, en gros, d'une méthode de mémorisation permettant d'enregistrer, à l'infini, une longue liste d'éléments en tout genre (lectures, visages, parfums,...) en les associant à un lieu déjà connu: votre "Palais" pourra donc être votre chambre, maison, jardin ou, plus globalement, n'importe quel endroit dans lequel vous vous sentez bien.
Dans Dinky rouge sang, Nils Hazard a, lui aussi, une mémoire extensible et impressionnante des détails et des faits en général. Il se pourrait donc qu'il utilise, très certainement inconsciemment, un "Palais mental", tout comme Marcel Proust, brièvement évoqué.
 En allant plus loin, il serait étonnant de penser que le"Palais mental" de Nils ne consisterait peut-être finalement pas en un lieu mais bien... en un rêve, véritable biais de sa concentration et mémorisation. Hypothétique hypothèse, nous n'en saurons sûrement jamais plus!

Une autre similitude entre les deux œuvres est évidemment la présence d'un acolyte accompagnant le héros lors de toutes ses enquêtes: Watson pour l'un, Catherine Roque pour l'autre.
Que ce soit dans la série ou le livre, les deux personnages y tiennent un rôle essentiel, juste derrière le héros. Tous deux consistent en les dignes représentants des personnes "normales", vous et moi, qui ont parfois du mal à suivre les raisonnements de leur détective respectif. Ceci est évidemment paradoxal car ce sont également les deux seules personnes à comprendre un tant soi peu Nils et Sherlock.
Autre point à souligner: les relations ambiguës entre le héros et les assistants. Si à la fin, l'accointance entre Nils et Catherine devient parfaitement claire, rien n'est moins sûr dans la série, laissant parfois le spectateur douter de la véritable relation entre Sherlock et Watson.

Enfin, je souhaiterai évoquer l'apparente insensibilité des deux personnages. Sur ce point, le livre diffère quelque peu de la série.
Sherlock est un sociopathe notoire, incapable de lier des liens avec d'autres êtres humains et ne sachant nullement faire preuve d'empathie, incapable d'éprouver une émotion.
Nils, quoique ne nous démontrant pas une énorme sensibilité, ressent tout de même une multitude de sentiments, preuve en est faite par l'amour qu'il éprouve pour Catherine, amour dont Sherlok serait incapable.

J'aimerai conclure par une petite précision: un livre n'est évidemment pas un film et inversement. Ce sont deux supports culturels différents qui répondent à leurs propres règles. Le langage filmique ne sera assurément pas le même que le langage livresque. Ma comparaison valant ce qu'elle vaut, je pense qu'il est tout de même essentiel de garder cela à l'esprit.


Première et quatrième de couverture, qu'en dire?





De la quatrième de couverture, je n'ai rien de spécifique à en dire, autant sur le fond que sur le forme. Ainsi, le résumé apéritif m’apparaît comme particulièrement bien réalisé: court mais pas trop, divulguant quelques informations, mais juste ce qu'il faut pour donner envie au lecteur d'ouvrir le livre.  
Sur la forme, il s'agit d'une quatrième de couverture tout ce qu'il y a de plus classique, dotée, il est important de le souligner, d'un beau fond sobre d'un noir ébène, convenant particulièrement à l'ambiance policière et énigmatique du livre. Rien à redire sur ce point!

La première de couverture, à présent! La première approche du livre...
 Nous pouvons y voir, de dos, une silhouette sombre, la tête légèrement baissée, se hâtant - ou errant, qui sait? - au milieu d'effervescents ronds colorés, tirant pour la plupart vers le rouge - dinky rouge sang. Nous y retrouvons également des points jaunes, bleus et verts. Et c'est envers ce foisonnement multicolore que je tends à devenir quelque peu sceptique.
En effet, et même si cette première de couverture révèle clairement un véritable travail de recherche de la part de l'illustrateur Gabriel Gay, je trouve personnellement que tous ces ronds de couleurs différentes laissent, au final, un impression de total capharnaüm et arriveraient presque à mettre de côté l'élément principal de l'illustration, à savoir la silhouette sombre, censée, peut-être, représenter Nils Hazard. Et je dois avouer - Peut-être est-ce dû à la saison - que tout ceci me fait irrésistiblement penser à un sapin de Noël dont les ampoules de la guirlande électrique clignotent dans tous les sens.

Clignotent, avez-vous dit? Comme des ampoules mais aussi comme... Les phares d'une voiture... D'une Dinky rouge sang par exemple. Cela tiendra davantage au récit. J'interpréterai alors la silhouette sombre comme étant celle de Nils Hazard allant au devant du grand mystère qu'est celui du meurtre de ses parents, au travers de la voiture représentée ici, implicitement, par la lumière de ses phares.

Après réflexion, les points colorés pourraient tout aussi bien symboliser les mystères auxquels est confronté Nils. L'explication de la silhouette vue de dos serait alors, à peu de choses près, la même que la précédente: Nils Hazard allant à la rencontre des énigmes qui se présentent à lui.

Finalement, pas si mal cette première de couverture!

Il y a des pourquoi qui sont veufs de parce que...

Il y a des pourquoi qui sont veufs de parce que.

Cette phrase, prononcée par Nils, est vite devenue l'une de mes citations fétiches et correspond, de mon point de vue, tellement bien au livre et au personnage que constitue le détective!

Certains pourraient comprendre la phrase comme une sorte de renoncement, il n'en est rien!
Nils affirme, de par cette locution, qu'il y a, de façon générale, bien des éléments, énigmes, mystères - nommez-les comme vous le souhaitez - qui lui échappent et lui échapperont encore et toujours, et en particulier son passé trouble.

Plus personnellement, je pense que cette phrase illustre bien la vie avec un grand V. Le monde comporte en son sein maints éléments inexplicables, ce qui, d'ailleurs, constituerait peut-être, en partie, la beauté de l'univers.

Murail nous propose donc là, en plus du reste, une ouverture vers une certaine forme de philosophie, celle du lâcher-prise, qui mériterait d'être débattue avec les élèves à qui l'enseignant aura eu la bonne idée de faire lire le livre.





1 commentaire:

  1. Que veux-tu dire par "champ lexicale employé dans le livre", j'imagine ce que tu veux communiquer à ton lecteur mais tu pourrais détailler davantage, où faire travailler les élèves sur ce champ lexical du sang, meurtre etc.

    La comparaison avec Sherlock est pertinente , effectivement on a affaire au même type de personnage, bien que Nils Hazard soit plus "humain".

    Il est vrai que j'ai aussi pensé à une guirlande de Noël…

    Belle analyse de la phrase-phare du roman, car parfois, il est préférable de ne pas tenter d'expliquer les choses ou de résoudre les énigmes.

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