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Tout d'abord un titre...
Comme tout livre – enfin, nous pouvons
l’espérer ! – Simple nous apparaît
d’abord de par un titre représentatif et assez énigmatique. Pas de fantaisies
inutiles ni de fioritures : nous allons, ici, directement à l’essentiel.
Attaquons-nous
donc au titre simplissime, si vous
me pardonnez le jeu de mots : Simple,
juste Simple, faisant référence à un
jeune adulte déficient mental, Barnabé dit Simple. Mais simple, l’est-il
vraiment ? À priori, nous pourrions affirmer sans hésitation qu’il en est
ainsi : un jeune homme de vingt-deux ans possédant un quotient
intellectuel d’un enfant de trois ans ne pourrait nous mener bien loin. Et pourtant… Barnabé –
rendons-lui honneur ! – constitue,
en réalité, un personnage fortement intéressant et digne d’intérêt, un
personnage qui prend de l’ampleur et de la profondeur, autant que l’un des
meilleurs vins de Bourgogne. En un clin
d’œil, le voici peint d’une personnalité complexe qu’il nous faudra longtemps,
au moins le temps d’un livre, pour appréhender.
Mais inutile de le nier, déficient mental il l’est et
le restera. Ainsi, notre Barnabé accumule les bêtises en tout genre, casse les
montres et téléphones portables -
sait-on jamais qu’il en sortirait des « beaud’hommes?! -, ne se balade
jamais sans son « Vérolair » et son Monsieur Pinpin qu’il n’hésite
pas à sortir en toutes occasions. L’effet
produit en est alors des plus étranges lorsque nous comprenons enfin que ces
facéties, en plus de nous inspirer beaucoup de tendresse vis-à-vis du
personnage, révèlent,
en fait, son intelligence, une compréhension de la vie et des gens, et une
logique qui n’en demeure pas moins, bien que différente de la nôtre, juste et
touchante. Simple perçoit la vie à travers ses émotions, sans préjugés ou stéréotypes, parle sans user de mensonges ou de fioritures et ce qui en ressort est étonnamment vrai et rafraîchissant. Ainsi, Tata pue, Aria est gentille, la chambre est moche,...
Bien
sûr, l’écriture de l’auteure, Marie-Aude Murail, y est véritablement pour
quelque chose. Cette dernière possède, il va sans dire, un incontestable don, une
écriture fluide et fraîche qui a l’art de nous attendrir et de nous téléporter
dans le quotidien poignant de deux jeunes frères pour qui l’on tremble et dont
on suit l’évolution. Sous sa plume et sa
science de la narrativité, Simple prend vie et livre une bataille sans merci
contre l’atroce complication des adultes.
Le titre pourrait
donc se voir interprété dans ce sens également : Barnabé appréhende la vie
d’une manière simple, véritable allégorie d’une enfant de trois ans qui
découvre le monde et ne comprend pas la ténacité des grandes personnes à y
ajouter un enchevêtrement de problèmes tous plus abrutissants les uns que les
autres, problèmes vers lesquels tend Kléber qui dit, par opposition, se nommer Monsieur
« Compliqué ».
La
vie vue par Simple est… Simple et constitue un encouragement à tendre vers
cette simplicité pour retrouver la véritable valeur de la vie, sa
substantifique moelle en quelque sorte !
Enfin,
une autre interprétation du titre est possible et je n’ai pu m’empêcher de
remarquer un détail : la récurrence du mot « Simple » utilisé en
tant qu’adjectif et souvent employé en fin de chapitre ou de paragraphe.
« Tout n’était pas simple dans cette histoire » ou encore « Pas
si simple que ça » sont des phrases révélatrices et loin d’être anodines.
En effet, la vie quotidienne aux côtés de Simple ne se révèle pas d’une
facilité sans nom et s’avère même être une aventure de tous les jours.
Il n’en reste pas moins que cette non-simplicité, aurais-je envie
d’ajouter, est valable pour tous les personnages du livre et globalement, pour
le monde entier. Ainsi, ce livre nous apprend également qu’il faut lutter pour ce que
l’on désire vraiment : l’amour d’Enzo pour Aria ou Kléber qui lutte contre le dictât de la facilité
imposé par son père en gardant Barnabé avec lui.
Alors,
Simple, un I-di-ot ? À cette question, Enzo y répond parfaitement :
« C’est le type le plus intelligent que je connaisse. ».
L’image
présente sur la couverture nous apparaît dans toute sa sobriété, comme il est
coutume à l’École des Loisirs. Un lapin un peu défraichi et à l’oreille droite
pliée nous fait face. Un coup d’œil à la quatrième de couverture suffit :
il s’agit du fidèle compagnon de Simple : Monsieur Pinpin. Mais, qui est-il
vraiment ?
D’emblée,
nous pressentons que ce Monsieur Pinpin ne constitue en rien une peluche
ordinaire comme il y en a des centaines. En effet, ce lapin volerait presque la
vedette à Simple, tant il consiste à lui seul un personnage à part entière et
doté d’une profondeur insoupçonnée.
Si,
de prime à bord, son rôle pourrait se restreindre à celui d’un confident, voire
d’un ami imaginaire, la lecture du livre nous confirme qu’il est, en réalité
bien plus que ça. De fil en aiguille, nous nous apercevons que Simple est
Monsieur Pinpin et inversement, Monsieur Pinpin est Simple. Celui-ci vit
véritablement à travers lui : lorsque Monsieur Pinpin est triste, c’est,
en réalité, Simple qui l’est, quand Monsieur Pinpin incite Simple à dérober les
briquets de Corentin, c’est, en fait, Simple qui le désire.
Facteur psychologique
primordial, Monsieur Pinpin a une fonction cathartique évidente : c’est à
travers lui que Simple vit ses déboires, ses passions, ses interdits,… Un des passages les plus touchants du livre se
révèle être le retour de Simple à Malicroix. Ce dernier va littéralement crever
les yeux du lapin pour ne pas voir ce
qu’il se passe à Malicroix. Il exprime donc à travers Monsieur Pinpin ce que
lui ressent profondément et qu’il ne sait dire avec les mots. C’est également à
travers le lapin que Simple découvrira les premières ébauches de sexualité.
Ensuite, élément important, Simple a
véritablement conscience du fait que Monsieur Pinpin n’est pas un être vivant.
Cependant, il fait bien la différence entre Monsieur Pinpin en tant que peluche
et les autres peluches. Un exemple est donné par le passage dans lequel Simple
apporte une lapine en peluche : une Madame Pinpin pour Monsieur Pinpin. Ce
dernier, donc Simple également, repoussera la lapine d’un « Ca ?
C’est une peluche. ». De la même façon qu’il ne peut y avoir deux Monsieur
Pinpin, il ne peut y avoir deux Simple.
Enfin,
une question importante est également traitée au travers de Monsieur
Pinpin : la mort. Simple pose souvent la question au lapin :
« Dis, est-ce que tu vas être mort un jour ? ». Le livre se
referme d’ailleurs là-dessus.
Simple, comme tout enfant, a peur de la mort et se pose évidemment des questions par rapport à cela, personne n’ayant apparemment pris la peine de lui en parler.
De mon point de vue, j’ai perçu la question de plusieurs façons. La première est la plus évidente : la mère de Simple et de Kléber est morte des années auparavant et encore une fois, la peluche accomplit son action cathartique.
Simple, comme tout enfant, a peur de la mort et se pose évidemment des questions par rapport à cela, personne n’ayant apparemment pris la peine de lui en parler.
De mon point de vue, j’ai perçu la question de plusieurs façons. La première est la plus évidente : la mère de Simple et de Kléber est morte des années auparavant et encore une fois, la peluche accomplit son action cathartique.
Concernant
les quelques autres interprétation, je n’ai aucune certitude, juste quelques
hypothèses. La première de ces
hypothèses réside, tout simplement (encore Simple !) dans le fait que
Simple a une peur bleue de perdre Monsieur Pinpin, de le perdre au sens
littéral, c’est-à-dire de l’oublier quelque part comme ce qui a bien failli se
passer dans l’église. Simple a fait du lapin une partie de lui-même, son
véritable subconscient. Comment, dès lors, vivre sans ?
Une
deuxième hypothèse concerne l’indépendance de Simple. En effet, pour gagner en
autonomie, un enfant doit accepter de laisser derrière lui doudous et autres
peluches, une mort symbolique en quelque sorte… Cependant, Simple ne sera
sûrement jamais prêt à grandir, de par sa condition de déficient mental.
Une dernière
hypothèse consiste à penser que Simple a lui-même peur de mourir, de ne pas se
réveiller un matin ou de disparaitre soudainement. En effet, comme nous l’avons
démontré précédemment, Monsieur Pinpin est Simple. Avoir peur que le lapin
meure reviendrait donc à avoir peur que lui-même disparaisse.
Heureusement, comme répond si bien
Monsieur Pinpin : « Non, c’est pas obligé ».
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerSIMPLE, sobre, juste, efficace, quelle belle plume Alizé, quel plaisir de te lire!
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